Salut Francis.
Oui, ça fait un petit bout de temps qu’on
n’a pas eu une bonne conversation. Mais
l’annonce de ton départ vers l’autre côté du miroir nous a, certes, totalement
jeté à terre, mais également donné envie à Hélène et à moi de te parler, peu importe
où tu te trouves dorénavant.
Saurons-nous jamais où s’en vont ces
phrases qu’on jette dans le cosmos avec le souhait insensé de les voir
atteindre les oreilles virtuelles d’un ami décédé?
Qu’importe. Pour nous, l’important, ce n’est pas la prose, mais plutôt
l’intention, avec l’ardent désir que ça se rende. Pour toi, maintenant que l’horloge du temps n’a plus d’emprise,
ça sera, on l’espère, de l’accueillir quand ça se pourra et de nous pardonner,
si ça se peut.
En parcourant à rebours le chemin de mes
souvenirs, je revoie avec grand plaisir tous ces moments que la vie aura gravé en ta compagnie. Un peu à la manière de clips qu’on visionne
à souhait, je m’amuse à revivre avec toi ces chapitres inscrits dans la mémoire
collective. Chacun a les siens ;
les tiens, les miens, les nôtres.
Mes premières images sont celles du gars à
la couette mince, vaguement hippie, résolument joyeux, facile d’accès et bon
vivant. Discours passionné, allure
décontractée, convaincu, tu me parlais fougueusement de ton projet d’apiculture
dans Charlevoix. J’ai vite compris que
tu appartenais à ce groupe d’étranges, inspirés par le retour à la terre des
années 70, établis ici et là dans les rangs négligés du beau pays, vivant dans
les plaisirs d’une vie qu’on mord à pleines dents et toujours prêts à célébrer
les belles rencontres. So, we all drank
to that.
J’ai vite compris aussi, que ton véritable
engouement pour l’apiculture résidait dans ta brillante idée d’engager un
paquet filles pour faire la job, pendant que ton côté givré s’amusait à en
faire la promotion aux quatre coins du comté.
Tu poussas même l’audace jusqu’à te présenter à un party d’Halloween au
mémorable bar Le Mouton Noir, déguisé en abeille. Quelle image! Parce que
pour butiner, tu butinais.
Et on a ri. Beaucoup ri. À cette
époque, même avec un petit revenu, on pouvait s’acheter une maison. Plusieurs se vendaient pour moins de 10,000$. Et tu t’en es trouvé une, bien assise dans
le rang St-Antoine aux Éboulements, mais plutôt symboliquement rattachée à
St-Irénée. Au centre de cette maison,
il y avait toi, ton poêle à bois et la fête.
Personne ne pourra jamais faire le décompte final du nombre de personnes
qui y seront entrées, le temps d’un café, rapidement suivi d’une bière…ou deux,
d’un repas pantagruélien et du nombre de dodos que ça prenait pour bien faire
le tour de la question. Mais,
avouons-le, ces successifs et interminables rassemblements de beau monde
donnaient presque toujours lieu à des conversations endiablées, énergiques,
tous azimuts, sans retenues, alimentées copieusement par toutes les nourritures
du corps et de l’esprit, présentes sous leurs trois formes élémentaires :
solides…liquides…et gazeuses! Et on a
ri, beaucoup ri, probablement même comme plus jamais on ne rira.
Ton énergie tu la puisais aussi dans ta
musique. La couette fière, la posture
assurée, tu nous surprenais toujours avec ta flûte traversière ou ton sax
ténor. Et la magie de la musique
s’opérait. D’autres musiciens se
greffaient, les mélodies s’inventaient et le temps des chorus enchaînés tu
devenais quasiment chef d’orchestre.
Même si dans ta vie, la musique n’aura été qu’un «Clin d’œil» parmi tant
d’autres, c’était le nom de ton groupe, il aura permis d’ajouter de multiples
rencontres et de produire son lot de moments forts à qui s’y trouvait, au bon
endroit au bon moment.
Rappelle-toi de Benoit Dostaler, Art
Murphey, André Guay, Michel Séguin, Daniel Martel et le petit Gaétan. J’en oublie, c’est sûr, mais toi aussi,
tellement c’était fou. Pour moi, ton moment
de gloire, c’était au début des années 80, sur le plateau à La Malbaie, avec
justement Benoit, André, Daniel, Gaétan et quelques autres, avec ton chapeau
cool et ton foulard. Tout le monde
était renversé par l’efficacité du produit, en cette soirée de la St-Jean, où
même la brume s’était invitée, comme pour ajouter de l’effet à la performance
du moment. Du beau jazz.
Entre temps, il y aura eu : en 79, la
création des Ramoneurs artisans ainsi que l’escapade aux oranges en Floride, en
1980. Quelles aventures.
Pour la première, je me rappelle que tu
avais convaincu le Manoir Richelieu de ramoner des cheminées de foyers qui
n’avaient à peu près jamais vu de boucane.
Pour s’assurer de bien justifier l’action auprès des intéressés, sur le
toit de l’Hôtel, pendant le ramonage, tu versais toi-même dans l’ouverture de
la cheminée à supposément nettoyer, de la cendre et de la suie apportée de chez
toi, qui tombait dans l’âtre du foyer de la chambre, prouvant ainsi hors de
tout doute de l’utilité du contrat accordé à l’entreprise que tu avais fondé
avec Timé.
Pour la deuxième, il s’agissait de profiter
du calme de la basse saison pour fuir l’hiver en cueillant des oranges en
Floride. Je te revoie assis devant avec
Aimé au volant, sa fille Claudia entre vous deux, pendant qu’à l’arrière je causais avec Diane qui
tenait son fils Hugo. Cette équipée fut
tellement folle, avec ses moments de pamplemousses et d’oranges, de plages et de
Disney, d’alligators et de fourmis, que même si les enfants n’avaient que 4 et
5 ans, ils s’en souviennent encore.
À travers ces époques, il y avait
St-Irénée, sa plage et l’Hôtel chez Veilleux.
La voile, la musique et l’Ile-aux-Corneilles. Les amis, les partys et les blondes. Puis les années se sont accumulées comme on empile les projets et
les espoirs. Et puis, et puis…Marie.
Elle est apparue, discrètement d’abord,
pour devenir de plus en plus présente et finalement, complètement là, jusqu’à
t’accompagner pour la totalité de ton dernier chapitre qui durera tout de même
plus de 30 ans.
Avec elle, tu t’es ancré tout près du quai,
près de ton fleuve avec lequel tu aimais tant rivaliser, mais pas tout le
temps. Mais quand l’occasion se
présentait, une sortie en mer avec toi nous permettait de te voir serein,
sérieux et dévoué. Je garde un souvenir
inaltérable d’une ballade avec toi sur ton petit zodiak avec Hélène. On aura longé la côte depuis Pointe-au-Pic
jusqu’au Cap-Saumon, avant de traverser
jusqu’à l’Ile-aux-Fraises pour y débarquer en hors-la-loi juste le temps de
dire qu’on y pose le pied puis d’y repartir.
Ensuite ce fut la remontée jusqu’aux Iles de Kamouraska avant de
retraverser vers le quai, devant chez toi.
En route on aura eu cette rencontre magique avec une meute de bélugas,
tout autour du dinky, si près qu’on pouvait les toucher. Autant Hélène que toi ou moi, à l’unisson,
on baignait dans l’euphorie de ce
moment, de ce privilège, presqu’en état de grâce.
Dernière décennie, nouveau millénaire, et
la musique devenait de moins en moins présente, mis à part tes saxophones
convertis en lampes d’appoints.
Dorénavant tu jouais du quai, du scooter ou du mini-bus. Puis, à ton palmarès, s’est ajouté, la
boutique, l’informatique et l’équipement photographique. L’artiste qui a toujours roupillé en toi
s’est merveilleusement révélé avec la photo.
Dans son sillage, cet art qui capte la lumière de l’instant présent,
t’aura mené jusqu’à la vidéo, ironiquement, par vents et marées.
Après 61 années de navigation parfois
houleuse, parfois en mer d’huile, ton voilier imaginaire s’est brisé sur le
récif de la vie. En silence, seul, tu
as largué tes amarres pour une ultime odyssée pour ces espaces infinis, sans
eau, sans vent et sans temps. Personne
ne saura jamais où ce navire sans matière ira s’ancrer. Espérons qu’il te déposera là où s’amusent
éternellement, Tarot, Goofy et Ti-mousse, sans oublier tous ceux et toutes
celles qui t’on aimé et qui finiront tôt ou tard par te rejoindre.
Alors je dis à tous tes parents et amis
ici-bas, s’ils veulent revoir Francis : consultez les pages du site où
brillent toutes tes plus belles photos.
Il y a là le plus beau cadeau que tu pouvais nous laisser: la beauté du
monde à travers ton regard.
Francis : à bientôt et bon vent!
Bertrand Dion
24 janvier 2015.
M-à-j, du frèrôt nov. 2019:
J'ajouterais pour ma part que non frère aurait été heureux de voir que j'ai eu un mandat de rayonnement Web pour un OBNL qui lancera bientôt PAN M 360, une plateforme multimédia de musique, première en son genre et qui proposera une couverture experte de tous les styles musicaux d'ici et de l'étranger.
M-à-j, du frèrôt nov. 2019:
J'ajouterais pour ma part que non frère aurait été heureux de voir que j'ai eu un mandat de rayonnement Web pour un OBNL qui lancera bientôt PAN M 360, une plateforme multimédia de musique, première en son genre et qui proposera une couverture experte de tous les styles musicaux d'ici et de l'étranger.
Merci, Bertrand, c'est un beau texte.
RépondreEffacerJ'aime bien tes clins d'oeil.